Travaux

L’Esperanto

Le nombre de langues (naturelles ou construites) dans le monde est estimé à 7000, mais sur ce total, une disparait tous les quinze jours. En ce qui concerne les seules langues construites comme le Solrésol, le Volapuk, l’Ido, la langue des signes, le clingon etc, leur nombre s’élèverait à 1000. l’Esperanto étant probablement l’une des plus utilisée. Les motivations de leurs créateurs peuvent être multiples, volonté de communiquer au-delà des frontières, mais aussi artistiques.

La planche que je vous présente traitera uniquement de L’Esperanto. L’apprentissage de cette langue est incomparablement plus rapide, plus simple que pour n’importe quelle autre.

Avant d’aborder l’histoire, le mouvement, le rayonnement de l’Esperanto, je vais aborder et la personnalité de son créateur.

Ludwic Lejzer Zamenhof est né le 15 décembre 1859, au sein d’une famille juive, dans la ville de Bialystok, en Pologne, époque à laquelle ce pays était sous le joug de la Russie tsariste. Son père est professeur d’allemand et de français.

Adolescent, Ludwik réalise un premier projet de langue universelle avant de partir étudier la médecine à Moscou puis à Varsovie. Il se mariera et s’installera dans un premier temps comme médecin généraliste, puis exercera en tant qu’ophtalmologiste.

Son père était, quant à lui, opposé à la volonté de Ludwik de créer une langue universelle, projet qu’il jugeait chimérique et même potentiellement dangereux en raison de la situation de son pays écrasé sous la botte le l’empire Russe.

Totalement habité par l’idée de créer une langue universelle dans le seul but de rapprocher les individus les uns des autres, le futur Docteur Esperanto n’abandonnera jamais. Pour lui, ce n’est pas un projet chimérique, mais un fort désir de casser les barrières qui séparent les peuples des différents pays, les communautés, les individus. La création de l’Esperanto n’est pas une fantaisie intellectuelle, un jeu. Depuis sa plus tendre enfance il sait ce que c’est que de vivre enfermé dans un groupe en raison de sa religion ou de son origine réelle ou supposée. Juifs d’un côté, polonais catholiques de l’autre, russes, allemands et chacun de ces groupes, bien sûr, possède sa propre langue, sa propre religion, ses coutumes et les tensions qui en découlent l’affectent terriblement.

Si son père est défavorable à l’idéal que porte son fils, ce n’est pas le cas de sa belle-famille qui l’aidera financièrement pour que soit édité en 1887 le premier manuel de la Langue Internationale réalisé par le « Docteur Esperanto » en langue Russe. D’autres éditions suivront dans d’autres langues.

La construction de la langue

La construction de l’Esperanto est basée sur les langues indo-européennes.

L’apprentissage de l’Esperanto est simple et peut être assez rapide si on le compare avec d’autres langues. Il possède16 règles grammaticales intangibles, pas d’exceptions, l’écriture et la prononciation sont phonétiques, donc pas de possibilité de faire des fautes d’orthographe, l’accent tonique est toujours mis sur l’avant dernière syllabe. Tolstoi a prétendu l’avoir assimilé en deux heures ! Assez rapidement de nombreux intellectuels ont manifesté de l’intérêt pour cet idiome. Tolstoi, bien sûr, mais aussi Jules Verne, Elisée Reclus, Gandhi, Jean Jaurès, Léon Blum, Kennedy, Maurice Genevoix et beaucoup d’autres dont il est possible de trouver les citations en faveur de la langue internationale sur Wikipédia, par exemple.

Le mouvement

L’intérêt pour la langue créée par le Docteur Esperanto (L. Zamenhof) prospère assez vite à partir de la parution de la première édition du manuel. Dans une première période, les contacts entre les différents locuteurs et le Docteur Zamenhof ne pouvaient qu’être épistolaires. C’est en 1905 qu’est organisé le premier congrès universel à Boulogne-sur-Mer auquel participent plusieurs centaines de personnes qui parviennent sans difficultés à se comprendre, à échanger. L’Esperanto fonctionne ! A compter de cette année et jusqu’à présent un congrès se tient chaque année dans un pays différent sous l’égide de l’association neutre U.E.A. (Universala Esperanto Asocio) constituée en 1908. Le dernier congrès 2018 s’est tenu à Lisbonne. Seuls les deux conflits mondiaux n’ont pas permis que se déroulent ces rencontres de plusieurs milliers d’Espérantistes. En 1914, Zamenhof qui se rendait à Paris pour participer à cet évènement annuel dû rebrousser chemin. Il mourut avant la fin de la guerre, en avril 1917.

Après la révolution soviétique, c’est avec certain enthousiasme qu’est créée S.A.T, association qui n’accepte plus le neutralisme du mouvement et défend l’idée que l’Esperanto doit être au service de l’émancipation des travailleurs. Communistes, socialistes, anarchistes adhérent à la nouvelle structure mais rapidement des désaccords apparaissent en raison de l’autoritarisme du parti communiste qui évoluera vers le stalinisme avec les conséquences que l’on connait. Il n’empêche que de nombreux espérantistes sont membres des deux associations, U.E.A qui défend une position neutre, apolitique et S.A.T. qui reconnait la lutte de classe et souhaite utiliser l’Esperanto au service de la classe ouvrière.

La langue universelle aujourd’hui

Lors du congrès de 1905 Zamenhof, avec générosité, déclara abandonner tous les droits auxquels il aurait pu prétendre sur l’Espéranto. L’Espéranto de ce fait évolua comme n’importe quelle autre langue vivante. Depuis il existe des milliers d’ouvrages traduits ou originaux. Des dizaines de rencontres se tiennent chaque année partout dans le monde. Des groupes de musique de genre différents existent. Des associations scientifiques, artistiques, politiques, sociales, des émissions de radio etc. L’Esperanto est reconnu à part entière par l’O.N.U et évidemment par l’UNESCO.

L’Esperanto et la Franc-Maçonnerie.

De nombreux Frères ont participé au mouvement dès le premier congrès. Des cours furent dispensés rue Cadet dans les années 20. En 1917 c’est la R.’. L.’. « Esperanto » de la Grande Loge de France qui alluma ses Feux. Pendant plusieurs années les Travaux ne se déroulaient qu’en Espéranto. Aujourd’hui seule une phrase à l’occasion de l’ouverture et de la fermeture des Travaux est prononcée dans la langue universelle. A l’occasion du centième congrès universel à Lille, en 2015, une association Maçonnique est née. Elle regroupe des Sœurs et des Frères de divers pays. L’Esperanto est beaucoup plus qu’une simple langue qui permet de voyager dans de nombreux pays et d’être accueilli avec chaleur et fraternité, c’est aussi une démarche humaniste, un idéal. Comme le voulait son créateur, elle permet que se rencontrent non pas des Français avec des Sénégalais ou des Chinois, des Anglais avec des Brésiliens ou des Indiens mais simplement des Hommes avec des Hommes. Que chacun garde sa culture, sa langue, ses idées, sa façon de vivre, mais que l’Esperanto puisse être utilisé comme langue auxiliaire afin d’éviter toute domination au moins dans ce domaine. Un tel principe me semble conforme à l’idéal porté par la Franc-Maçonnerie. Il y aurait encore beaucoup de chose à dire. Cette Planche ne fait qu’effleurer le monde de l’Esperanto qui est encore jeune si on le compare à d’autres langues mais qui devrait avoir, je l’espère, un bel avenir.

1 Comment

  1. De l'auteur en complément suite aux questions :

    Zamenhov entretient vraisemblablement peu de liens avec la politique. La situation réservée à la communauté juive, en Pologne ne l’y encourage sans doute pas. Sa fille et ses deux fils seront exterminés par les nazis. Lorsqu’il fait ses études à Moscou, il s’intéresse au projet sioniste de Théodore Herzl, mais abandonne pour ne pas créer un nouvel état. Il s‘agit avant tout d’un intellectuel, probablement intéressé aux idées de l’époque, intérêt ne valant pas adhésion. Une pluralité d’individus issus de diverses tendances politiques, au-delà donc des courants progressistes, se sont penchés sur les travaux de Zamenhov.

    Son coté mystique le poussera à penser une religion universelle : l’homaranisme. Le projet ne s’est pas développé. L’idée en a été présentée lors d’un congrès en France, dans un contexte où la République menait un combat laïque, anticlérical, or les libres penseurs et anarchistes étaient nombreux dans le mouvement.
    Il existe au sein de l’association mondiale de l’espéranto des groupements affinitaires. L’un d’entre eux, le bahaïsme, peut être qualifié de sectaire. La fille de Zamenhov était, elle-même, Baha.

    Il semblerait effectivement qu’il y ait eu des propositions de reconnaissance au sein de la SDN, pas au niveau de l’ONU. Lorsque le mouvement espérantiste s’est développé, les autorités françaises n’y étaient pas très favorables, le français était alors la langue prédominante dans le monde. Jean Jaurès, Léon Blum puis Jean Zay n’étaient pas hostiles à l’idée que l’espéranto puisse être enseigné à l’école.
    Enfin si l’espéranto est conforme à l’idéal pacifiste, des militaires s’y sont toutefois intéressés, au début du vingtième siècle plus particulièrement.

    Concernant la richesse de l’espéranto, la traduction de la Bible, d’œuvres littéraires, de chansons, l’existence de romans, de fictions, de BD, de films, indiquent que l’espéranto n’est pas moins subtil que les autres langues. Si les traductions se concrétisent par des récits plus courts, cela tient en premier lieu à la structuration et de l’hyper-flexibilité de la langue. Une racine peut se décliner en nom commun, verbe, adverbe, adjectif. C’est la terminaison finale o,a i, etc. qui indiquera invariablement la nature du mot, ainsi l’ordre des mots dans une phrase importe peu. Ce coté flexible permet, une plus grande richesse de création, les néologismes seront immédiatement compris. Depuis les années cinquante, SAT (l’association mondiale de l’espéranto) élabore un dictionnaire.

    Il y a beaucoup plus de mots aujourd’hui dans ce dictionnaire que lorsque Zamenhov créa la langue.
    Il s’est enrichit. L’académie de l’espéranto s’y emploie en ajoutant la terminaison ad’hoc aux nouvelles racines. L’agglutination de mots comme dans certaines langues germaniques est possible, le tutoiement est tout comme anglais peu utilisé, ce qui se dit en français en un mot peut se traduire en deux mots en espéranto, exemple Homme/homme. La synonymie, l’homonymie, les jeux de mots existent, tout en gardant à l’esprit que l’espéranto n’a pas vocation à être une langue difficile, mais la plus facile possible dans son utilisation, sans pour autant appauvrir le vocabulaire.
    La culture espérantiste vit de par ceux qui pratiquent la langue comme pour n’importe quelle autre langue. Si un hymne et un drapeau existent, l’espéranto n’a pas pour ambition d’être une langue unique faisant disparaître toutes les autres, mais a vocation à être une langue auxiliaire commune.

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