Travaux

L’art et la culture demeurent-ils des remparts solides contre la barbarie ?

L’énoncé de la problématique s’apparente à un sophisme dans le sens où il contient un argument induit par l’utilisation du mot « demeurent » à savoir que l’art et la culture ont été, par le passé, des remparts solides. Le plus grand risque serait alors de considérer ce prémisse comme vrai et d’en déduire qu’il suffirait alors de retourner en arrière, celui dit du « bon vieux temps » pour retrouver un âge d’or supposé de l’Humanité d’où la Barbarie serait consubstantiellement bannie.

Il est nécessaire de s’attacher dans une phase préliminaire à la définition des mots « art », « culture » et « barbarie ». En particulier, pour ce dernier il est important de constater que son sens profond a évolué au cours de l’Histoire et qu’il faut donc pour aborder la question se mettre d’accord sur une définition, un sens que nous appellerons « moderne » de la notion de Barbarie.

Nous présentons notre réflexion en 4 parties :

1. De la définition des mots
2. L’art et la culture n’ont jamais été des remparts contre la barbarie
3. De nos jours, l’art et la culture ne sont pas plus des remparts contre la barbarie
4. Comment pouvons-nous agir pour que l’art et la culture deviennent les premiers remparts ?

Et une conclusion « Et si nous faisons de l’art et la culture bien autre chose que des remparts »

De la définition des mots

Une définition lapidaire et imbriquée de ces notions pourrait être la suivante : la barbarie se caractérise par l’absence et la négation de l’art et la culture. Nous en déduirions que ces derniers sont de fait des remparts voire les seuls contre la barbarie et nous aurions ainsi répondu au sophisme insidieux de la question par un autre sophisme.

L’art

D’après Wikipedia : L’art est une activité humaine, le produit de cette activité ou l’idée que l’on s’en fait s’adressant délibérément aux sens, aux émotions, aux intuitions et à l’intellect. L’art est une production de l’être humain (contrairement à la nature) qui lorsqu’il est montré déclenche des émotions, des sensations, il touche donc à l’humanité.

C’est un concept difficile à définir, il a quelque chose à voir avec la beauté, mais il a également une dimension collective dans le sens où il doit être montré, vu et apprécié et partagé.

S’il semble que l’objectif de l’art soit d’atteindre le beau, le problème est certainement de savoir qui décide de ce qui est beau et de ce qui ne l’est pas. La notion de beau a varié tout au long de l’Histoire de l’Humanité : les références du « bon goût » ne sont pas les mêmes que l’on remonte des premiers hommes jusqu’à l’art moderne et contemporain. Cependant il a toujours évolué et progressé à travers des envies de transgressions, de ruptures plus ou moins brutales par rapport à des règles antérieures.

Il est rare qu’une œuvre artistique puisse être appréhendée indépendamment du terreau culturel et social dans lequel elle a été créée. Souvent les vecteurs d’expression changent au cours de l’Histoire, et actuellement de manière spectaculaire, en tirant profit des capacités technologiques émergeant au fur et à mesure. Il serait vain, et parfaitement inutile, de comparer une œuvre picturale numérique du XX1eme siècle avec les œuvres picturales rupestres de Lascaux.

Au XXème siècle, aux modes traditionnels qu’étaient la sculpture, la peinture, l’architecture, les arts graphiques, et aussi la musique, la chanson, la danse, le théâtre, la poésie, la littérature se sont ajoutés d’autres modes issus des apports technologiques comme le cinéma, la mode, la photographie, la bande dessinée, la télévision, le jeu vidéo, l’art numérique, etc.

On peut noter ici que la temporalité des vecteurs de l’expression artistique est en contradiction apparente avec l’objectif premier de l’art qui vise l’infini dans le sens qu’il vise souvent à perdurer au-delà d’une simple vie humaine.

De nos jours, la globalisation du monde, réelle ou fantasmée par certains, peut nous inciter à étendre la notion occidentale de l’art à tous les peuples et continents. Mais comme écrit précédemment il est rare qu’une œuvre artistique puisse être appréhendée indépendamment du terreau culturel et social dans lequel elle a été créée. Or nous ne sommes pas dans un monde mono-culturel.

La culture

En philosophie, le mot culture désigne ce qui est différent de la nature, c’est-à-dire ce qui est de l’ordre de l’acquis et non de l’inné. En sociologie, la culture est définie de façon plus étroite comme « ce qui est commun à un groupe d’individus » et comme « ce qui le soude », c’est-à-dire ce qui est appris, transmis, produit et créé.

Pour l’UNESCO : « Dans son sens le plus large, la culture peut aujourd’hui être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels, matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts, les lettres et les sciences, les modes de vie, les lois, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances.

Pour Sartre la culture est une fin tandis que pour Albert Camus il s’agit d’un moyen, un vecteur permettant d’accéder à l’art mais au-delà une manière de penser, d’agir et de communiquer dans un groupe social.

La notion de culture est liée à celle d’apprentissage et d’éducation. Elle encourage le développement de la raison et peut constituer en ce sens une opposition à la barbarie.

La barbarie

Mais de quoi Barbarie est-elle le nom ?

Une définition internet synthétique indique « la barbarie est l’absence de civilisation » et dans un second sens mentionne « Cruauté extrême, destructrice et inhumaine ». Tout est dit ou plutôt rien n’est dit.

Le Littré propose plusieurs sens du mot Barbarie. Parmi ceux-ci, on peut citer :

  • Sens 1 : Manque de civilisation, grossièreté. Les siècles de barbarie. Charlemagne lutta contre la barbarie. Le théâtre était dans la barbarie. Barbarie de langage.
  • Sens 2 : Inhumanité. Faire un acte de barbarie.
  • Sens 3 : Action barbare, cruelle. Les barbaries commises par les Espagnols dans le nouveau monde.
  • Sens 4 : Le pays des barbares.

Pour l’académie française, outre les sens de de cruauté, inhumanité mentionnés dans Le Littré, il signifie aussi Manque de civilisation, ignorance des arts, des lettres et des sciences chez un peuple. Ne s’agit-il pas ici d’une vision tendancieuse qui consiste à positionner les nations occidentales au sommet de la hiérarchie des valeurs ?

Le terme « barbare », était utilisé par les anciens Grecs pour désigner les peuples n’appartenant pas à leur civilisation et dont ils ne parvenaient pas à comprendre la langue. Barbare signifiait alors « non grec ». Il en a été de même pour les Egyptiens. Le terme « barbare » a été également utilisé par les Romains pour nommer les peuples qui se trouvent dans le « Barbaricum », la « terre des Barbares », c’est-à-dire hors de leur autorité : l’« Imperium ». Pour les Grecs comme pour les Romains, tout « barbare » peut, en adoptant leur langue, leurs dieux et leurs mœurs, devenir Grec ou Romain. Toutefois, ces termes pouvaient aussi, mais pas obligatoirement, traduire la crainte ou le mépris qu’inspire l’étranger, l’envahisseur. Ce dernier aspect n’est pas sans résonnance avec le libellé de notre question D et avec l’actualité du 20ème siècle et du début de celui-ci quant aux flux migratoires et aux confrontations des religions, des politiques, des ambitions économiques et des volontés réciproques de domination.

Les différents sens du mot Barbarie hésitent entre la notion d’état (être), au sens c’est la nature de celui que l’on dénomme Barbare, et la notion d’actions (faire) au sens où l’on commet des actes de barbarie.

Le XXIème siècle s’est ouvert sur un cortège d’attentats terroristes, d’exécution d’otages, massacres de civils, viols de grande ampleur amenant tout le monde (ou presque) à parler de la barbarie des djihadistes oubliant souvent que ces crimes étaient également le fait d’extrémistes sans forcément de connotation religieuse ou d’une communauté par rapport à une autre ou encore tout simplement dû à des actes de folie ou de fous.

Nos réflexions rejoignent celles exprimées par Roger Pol-Droit il y a quelques années à savoir qu’une définition moderne de la barbarie peut être posée en considérant que la barbarie concerne l’inhumanité de l’humain. Elle est dans les comportements et les actes. C’est une inhumanité choisie, décidée. La barbarie consiste, avant tout, à rompre le lien humain à l’autre.

Nous sommes ainsi loin des notions d’inculture et de grossièreté. Les sciences, les technologies, les savoirs anciens ou récents cohabitent avec cette « Barbarie moderne ». Le débat n’est pas celui de la supériorité d’un modèle culturel sur un autre. Mais plutôt du rapport que nos sociétés et systèmes ont avec le vivant, nos corps matériels et spirituels.

La question de la civilisation et de la barbarie n’est-elle pas en soi un référentiel mouvant ? Tout à fait relatif ? Et bien souvent une indignation à géométrie variable ? Que de gens s’indignant de la barbarie ambiante lorsqu’elle se déroule près de chez eux, qu’elle touche leur proches mais n’ont pas un mot lorsque ce sont leurs « semblables », leurs « compatriotes », leurs « alliés » qui sèment la mort et la désolation ailleurs sur le globe. C’est d’autant plus accablant lorsqu’ils justifient ces actions belliqueuses. Que n’a-t-on pas entendu dans le traitement médiatique et dans les gesticulations du monde culturel, certes à juste titre, lorsque DAESH a détruit les ruines de Palmyre, mais bien moins d’indignations lorsque les USA ont ravagé, dans leur folie guerrière les grands vestiges des civilisations Assur, Sumer et Babylone dans l’actuel Irak, même si les intentions ne peuvent être confondues entre les 2 situations. Nous autres, intellectuels « civilisés », de l’Occident, nous indignons face à la barbarie d’autrui mais pensons-nous à la barbarie dont nous sommes complices ?

En conclusion de cet exercice de définition des mots, nous pourrions dire que :

Pour l’Art et la Culture, les définitions, descriptions proposées sont à la fois génériques, englobantes et en relativité par rapport aux multiples facettes d’un même joyau qu’est la culture de l’humanité.

Les définitions, explications pour le mot Barbarie sont par nature, clivantes en faisant apparaitre la notion d’inhumanité, d’étranger : le barbare c’est toujours l’autre ! Jamais nous ? Et pourtant la « symbolique du miroir » nous le rappelle à chaque initiation. En extrapolant, l’inhumain, en chacun de nous, n’est-il pas simplement la part sombre de notre Humanité ?

L’art et la culture n’ont jamais été des remparts contre la barbarie

Toute forme de société a peu ou prou développé une culture, au sens des définitions présentées dans la partie précédente. Tous les groupes humains ont des us et coutumes qui constituent autant de cultures différentes. Toute formation socio-économique a sa forme d’art.

Finalement : Tout le monde, ou chacun, est le barbare de l’autre.

Nous nous rassurons parfois en nous disant que nous n’avons plus rien à voir avec les sociétés tribales qui nous ont précédées. Que l’on ne s’y trompe pas. L’art et la culture n’ont jamais été des remparts contre la barbarie. Ils ont parfois été des digues mais quand la barbarie trouve un relais d’acceptation social, toutes les digues cèdent une par une.

Les actes de barbarie sont parfois, souvent menés par des personnes éduquées et cultivées et les exemples dans l’histoire ne manquent pas.
L’exemple le plus spectaculaire d’acceptation sociale est celui du système nazi qui inventa une politique culturelle sur la base que seuls les aryens étaient porteurs de culture, conduisant ainsi à la notion d’Art dégénéré qui a permis de spolier les Juifs au nom de la défense des plus hautes valeurs de la culture du IIIème Reich. Des milliers d’œuvres ont ainsi été volées et ont failli être détruites sur ordre d’Hitler dans la Défaite. Heureusement, des résistances internes empêchent de commettre l’irréparable. Ainsi les Monument’s men ont découvert plus de 6500 tableaux, pour ne parler que de ceux-ci, dans la mine de sel d’Altaussee (Autriche).

Un documentaire d’Alexandre Valenti raconte l’histoire ou plutôt la course contre l’oubli que mène Francesco Lotoro dit le Maestro. Pianiste et compositeur, entouré de son “Orchestre de musique concentrationnaire”, il redonne voix aux musiciens oubliés. Pas n’importe lesquels : ceux qui furent déportés, emprisonnés, et qui souvent moururent dans les camps d’internement nazis.

Avec plus de 4000 partitions déjà retrouvées en plus de 20 ans de recherches, il veut faire vivre cette musique écrite là où la création artistique était acte de résistance à la « Barbarie ». Une musique écrite clandestinement par des prisonniers de toutes origines, de toutes religions, dans l’une des périodes les plus sombres de l’Histoire entre 1933 et 1945. Ces partitions étaient écrites par des hommes et des femmes pour qui créer était un acte de survie. Il s’agissait pour tous ces musiciens juifs, tsiganes d’arracher leurs musiques à l’anéantissement programmé par les barbares nazis.

On peut considérer que l’église catholique a limité la créativité artistique humaine même si elle, ou les religions en général, a été source indéniable d’inspiration. Plus précisément, la religion dominante a tendance à brider la créativité (la faute plutôt à ceux qui organisent la religion).
Il est à noter que les religions en position dominante ont longtemps été considérées comme autant de rempart civilisationnel contre la Barbarie.

De nos jours, l’art et la culture ne sont pas plus des remparts contre la barbarie

L’emploi des mots « solides remparts » sous-entend la protection par rapport à une agression extérieure or comme nous l’avons montré l’humain est également son propre ennemi.

C’est le temps qui passe qui fait une œuvre d’art or nous sommes de plus en plus submergés, manipulés par les médias/productions/profits : tout ceci peut représenter finalement une certaine forme de barbarie. En effet, les enjeux financiers deviennent tels que souvent la barbarie, acception large du terme, est organisée, exprimée au sein de ces milieux et les dénonciations actuelles des agressions et harcèlements en sont des indicateurs. On aimerait penser que l’Art et Culture ne peuvent s’épanouir pleinement que là où la Barbarie n’est pas présente mais force est de constater que là où sont l’Art et la Culture, la Barbarie n’est pas forcément absente. La démarche artistique/culturelle est du domaine de l’introspectif et donc vecteur d’ouverture, de construction et par là est apte à faire reculer la barbarie mais il peut exister des excès. Il est également intéressant de noter que le développement de l’art est parfois survenu dans les périodes les plus sombres e.g le film moderne est né pendant les JO de Berlin.

Les intégrismes religieux sont-ils les seules Barbaries d’aujourd’hui ? Il faut certainement y associer les dictatures politiques mais peut-être la face sombre de nos démocraties. Par exemple de la peine de mort, rendue indolore dans certain cas, est-elle moins barbare pour autant ? Il est à noter que les intégrismes religieux ont de tout temps pratiqué la peine de mort.

Vassili Grossman fait dire qu’il n’existe d’art que dans la liberté : la privation de liberté rend l’homme mauvais. Il est donc bon de s’interroger : De quelle liberté disposons-nous réellement dans nos sociétés démocratiques ? Même si nous pouvons convenir que le niveau de liberté est bien plus avéré que pour un système non démocratique et autorise un niveau d’expression artistique indéniable.

Quelles créations pouvons-nous faire dans une société inégalitaire en partage de la richesse financière mais aussi culturelle et artistique ?
La prise en charge parfois scandaleuse de nos ainés a été dénoncée récemment, faisant ainsi apparaitre notre côté sombre dans le miroir. Sur une échelle normée de 1 à 10, que vaut la destruction de la planète ? Profiter d’une planète en sursis lorsque nos enfants suffoqueront du productivisme et de la diminution des ressources n’appelle-t-elle pas à nous considérer tous comme barbares face à un arbre ou à un animal dont la sauvagerie n’égale en rien la nôtre ? L’inaction et le silence ne sont-ils pas la pire des barbaries ? L’humanité destructrice de son propre environnement de vie en est bien le comble.

De manière plus générale, l’oppression volontaire ou non des êtres et des communautés les plus fragiles de nos sociétés modernes nous rappelle à chaque instant que la Barbarie est bien présente au sein même de notre système.

Comment pouvons-nous agir pour que l’art et la culture deviennent les premiers remparts ?

Il sera important d’identifier précisément « qui se protège de quoi » à travers cette question ? Si l’on accepte l’idée de constituer de « solides remparts » alors cela peut sous-entendre que l’on cherche à se protéger par rapport à une agression extérieure. Il est nécessaire de garder à l’esprit que l’ennemi est en nous, que l’inhumain est en l’homme.

L’art, production humaine de sensations et d’émotions existe et la culture en est un vecteur privilégié. La question de l’accessibilité, du point de vue culturel et également pratique, est alors primordiale.

En effet, si l’on part de l’hypothèse que l’art est obscur, incompréhensible…Alors la seule réponse à apporter, pour qu’il soit d’une quelconque aide dans la lutte contre les obscurantismes, est de fournir la clé d’analyse, la grille de lecture et faire comprendre en quoi il pousse à penser…Le David de Michel-Ange n’est pas le David par la seule magie technique et d’exécution sculpturale, il est le David car il représente la Florence de la Renaissance, raisonnée, qui analyse la situation, qui se prépare à agir après avoir pensé, raisonné et pesé les options qui s’offrent à elle…Et l’on ne comprend le David qu’en observant son regard, on ne comprend son regard qu’en ayant la clé d’analyse.

L’art n’est, en soi, un rempart contre absolument rien. Les idées qu’il véhicule, le sens du beau qu’il porte peuvent l’être à condition d’en avoir compris le sens et la portée. La question cruciale est donc la suivante : Quelles clés de lecture de l’art pour quelle « civilisation » ? L’art n’est en aucun cas neutre, son utilisation comme arme d’éducation et de lutte contre la barbarie non plus. Les codes nécessitent une explication sans marqueurs idéologiques de l’époque actuelle, ils se doivent d’être laïques et apolitiques.

D’autre part, l’accessibilité facile et pratique est tout autant nécessaire car lorsque l’on ne voit jamais l’art et quelque part la beauté, on ne peut pas croire qu’elle existe. Si l’on ne côtoie que la laideur alors il y a grand risque que seule l’envie de détruire domine et ne l’emporte.

Certes, de nos jours, les jeunes de moins de 25 ans ressortissants des 27 pays européens ont un accès gratuit aux collections permanentes des musées nationaux mais l’accès peut tout de même en être difficile. Malgré les efforts faits, certains pensent que l’art est réservé à une élite et aussi des raisons d’ordre pratique par manque de moyen de transport lorsque l’on habite dans des zones très enclavées. Pourtant des initiatives existent pour rendre l’accès plus facile à l’art.

La création artistique, repose aussi sur une aide financière pour améliorer les conditions sociales des artistes et de la création. De plus, la loi prévoit la place de l’art dans l’espace public depuis 1961 et le Grand Paris accueillera des œuvres d’art dans les espaces publics au titre du 1% culturel dans l’investissement immobilier public. Le grand Filippo Brunelleschi n’avait-il pas répondu à un appel d’offre, un concours pour la construction du dôme de Florence ? Nous pouvons citer en exemple le grand projet, les ateliers Médicis (plus exactement le projet Médicis-Clichy-Montfermeil) dont le nom fait référence à la célèbre villa de ROME, qui a été initié en 2015 et aboutira en 2024.

Il s’agit de créer un grand lieu culturel dont la vocation sera artistique, éducative, sociale et économique.

Cette initiative culturelle s’intègre dans un projet plus global de réhabilitation urbaine initiée dès 2005. Les maires successifs ont décidé d’utiliser le développement culturel comme levier de cohésion sociale et territoriale bref de citoyenneté.

Dans ce cas précis c’est l’art qui tend à se rapprocher de ce qui est considéré aujourd’hui par certains comme des territoires occupés par des barbares. C’est peut être une nouvelle forme de rempart qui se construit plus proche de son ennemi pour mieux le combattre à l’heure où un autre CLICHY, LA GARENNE cette fois, est plus célèbre pour ses prières de rue que pour ses lieux culturels.

Pour autant on ne sait pas qui du culte ou de la culture gagnera le combat mais de telles initiatives doivent être mises en avant, médiatisées afin de faire comprendre à l’ennemi que de nouveaux remparts se construisent pour ne pas laisser le terrain aux barbares obscurantistes et faire comprendre également que l’art n’est pas réservé à une élite mais qu’il doit être à la portée de tous et que personne ne doit s’en interdire l’accès .
Au-delà de mécènes éclairés, comme le furent les Médicis à une lointaine époque, c’est à l’Etat et aux associations, laïques et républicaines de prendre en main l’art et de le faire vivre.

Il est important d’encourager des démarches ambitieuses et participatives.

De manière plus large, on peut penser que dans une société plus égalitaire avec une meilleure redistribution des richesses assurant le minimum d’aisance pour tout un chacun permettrait à la fois de dégager du temps disponible pour se consacrer à la pratique de l’art ou simplement à sa contemplation ou jouissance et en ce sens constituerait un meilleur rempart.

Quoiqu’il en soit un rempart solide a un besoin impératif de fondations, et plus celles-ci sont profondes plus solide sera le rempart. Mais…
Et si nous faisions de l’art et la culture bien autre chose que des remparts ?

L’art expliqué, éclairé par la Culture n’est-il pas plutôt un pont entre les peuples, une ouverture à l’autre, un chemin qui mènerait à la vraie beauté, celle du cœur, celle de l’humanité ?

L’empathie, le partage, le respect, la tolérance, l’éthique, l’éducation et la laïcité sont sans nul doute les uniques valeurs porteuses de force, de beauté et de sagesse : à la lumière desquelles l’art mettra ainsi en emphase toute sa beauté, celle qui percute nos certitudes, qui pousse au doute, éveille notre curiosité et notre sensibilité intrinsèque…C’est bien là tout ce qu’on en attend pour lutter contre la barbarie.

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