Qui sommes-nous?

L’Humanité Future, une loge du Grand Orient de France, fondée en 1907

Le 24 mars 1907 dix francs-maçons des environs de Juvisy-sur-Orge décident d’une réunion pour fonder une Loge dans les environs. Mais quel en est le contexte sociologique, historique national et local ? Qui sont-ils ?

Nés entre 1846 et 1874 ils sont les héritiers de la capitulation de Sedan de 1870, de la Commune de Paris de 1871. En 1885 ils voient arriver 18 élus ouvriers à l’Assemblée Nationale, connaissent la crise Boulangiste de 1886/1889, et les premiers succès électoraux des socialistes.

Les professions judiciaires jouissent alors d’un prestige remarquable fondé sur la culture et l’indépendance. Les militaires déchirés après la capitulation quêtent un idéal de lumière entre Alfred Dreyfus et Savorgnan de Brazza. Il est des professions salariées offrant à ceux qui les exercent un statut social élevé tels les architectes, ingénieurs, et journalistes. La catégorie sociale des fonctionnaires se détachent des milieux populaires, leur nombre grandit avec le développement de l’administration et des services. En 1906, les artisans et travailleurs isolés représentent 1/10ème de la population. Dans l’ancienne Seine et Oise les paysans subissent la crise agricole, liée au progrès technique avec la mécanisation, et l’apparition des engrais chimiques. Enfin, la condition sociale des ouvriers reste précaire malgré la liberté syndicale et d’association professionnelle de 1884.

Quelle que soit la catégorie sociale à laquelle ils appartiennent, les membres fondateurs qui se réunissent ce 24 mars 1907 ont le sentiment que l’année commence sur une note déplaisante : Députés et sénateurs votent alors sans discussion l’accroissement de l’indemnité parlementaire de 9 à 15 000 Francs. Quelques-uns uns ont bien voté contre mais comme l’a dit l’un d’entre eux : « Mon indignation n’a d’égale que ma satisfaction. »

Les évènements sociaux se bousculent, le climat se dégrade : Le 8 mars grève des électriciens à Paris, qui se voit alors plongé dans l’obscurité, à Corbeil-Essonnes grève des papetiers, à Villeneuve-Saint-Georges et Draveil grève des ouvriers des sablonnières, qui aboutira en 1908 à une véritable bataille de rues avec barricades, et à l’intervention sanglante de l’armée sur ordre de Clemenceau, qui se taille alors une réputation de « briseur de grèves ».

De nombreux extraits de procès verbaux et courriers montrent que nos aînés souhaitent marquer la société de leur esprit de loyauté vis-à-vis de la République et de ses valeurs fondatrices au centre desquelles la laïcité.

Nous pouvons y lire :

« Créée à Juvisy-sur-Orge, la propagation de nos principes se trouveront ainsi étendus à cette vallée où nos ennemis sont des plus puissants. »

Faisant ainsi allusion à Jean Argelies, digne héritier de l’ultramontanisme, véritable bastille cléricale et député-maire de Juvisy. Plus tard lorsque se poseront des problèmes de locaux, ils écriront :

« Notre effectif se trouve disséminé dans quatorze communes de la vallée de l’Orge entourant Juvisy[…] vous comprendrez donc que devant un aussi vaste rayon d’action, nous n’avons pas eu la faiblesse de renoncer. Elle serait fort préjudiciable à la Franc-Maçonnerie tout entière et ce serait grand dommage, précisément au moment où les ennemis de la République prétendent s’imposer, en entravant tous progrès et vont jusqu’à demander l’abolition de lois sociales péniblement acquises[…]. Notre absence de Juvisy enlèverait à nos travaux maçonniques tout rayonnement dans la cité, […] au milieu de nos populations rurales. »

En cette 1ère séance préparatoire de mars 1907, dans une salle du café « Les deux terrasses » à Juvisy, chacun s’engage à faire les démarches utiles en vue de réunir les francs-maçons du secteur.

Le 7 avril une nouvelle séance se tient pour examiner les chances de succès et se donner les moyens d’aboutir. Une commission est nommée pour visiter un local et y faire procéder aux travaux utiles. Ainsi nos membres fondateurs s’installèrent dans une toute petite rue de Juvisy, proche de la voie ferrée : la rue de la Fronde. Cette implantation n’est un clin d’œil pour personne, mais n’est que le fruit du hasard. Le conseil municipal dénomma ainsi le 21 juin 1886 une petite voie jusqu’ici sans dénomination. Le nom de cette rue constitue un rappel historique à la mémoire juvisienne. Le 21 janvier 1649, l’armée de frondeurs et de bourgeois conduite par le duc de Beaufort est défaite à Juvisy par le prince de Condé et le maréchal de Grammont.

Ainsi le conseil municipal en sa délibération ne visa en rien nos aînés qui ne s’y installeront que 21 ans plus tard. Leur esprit frondeur ne s’exprime pas non plus dans le choix de cette installation : Un négociant de vins en gros Jules Edmond S cesse son activité mais dispose d’un bâtiment. Henri Aimé S son fils ne succède pas à son père. Commissionnaire en vins, il habite Paris. Evidemment son métier d’intermédiaire ne nécessite pas d’entrepôt. Quoi qu’il en soit le hangar est loué avec promesse de vente. Le loyer s’élève à 225 francs l’an, la cotisation annuelle est alors de 120 francs.

Celle-ci était donc beaucoup plus importante tant en francs constants qu’en proportion des salaires annuels bruts 1/20ème hier contre 1/100ème aujourd’hui. Un peintre comme Julien C gagnait 2400 francs par an soit 8000 de nos € actuels. La viande de bœuf coûtait 600 €/kg, le beurre 1000 €/kg tandis que le vin d’Henri Aimé S était bradé 1 €/litre. Ces quelques statistiques pour témoigner de l’engagement voire même du sacrifice de ceux qui nous ont précédés pour la promotion de nos valeurs.

A l’issue de cette 2nde réunion, les membres présents procèdent à la désignation provisoire du bureau. Dans la réunion du 18 mai, il est décidé du jour des réunions. Le 15 juin 1907, le Grand Orient de France donne son accord. Ainsi donc, le 7 juillet 1907 consacre la création de notre Atelier. de la voie, commissaire de surveillance des chemins de fer, peintre.

Rue de la Fronde, nous nous trouvons face à un modeste bâtiment de 86m2 implanté sur un terrain de 300m2. Le mobilier est constitué de huit banquettes de moleskine, vingt chaises empaillées, huit tables. Il compte également une cloche pour le chauffage. Dévasté par les inondations à quatre reprises, ouvrons notre registre de 1910 :

« Les épouvantables désastres qui en ont été la conséquence, notre local et notre mobilier sont en partie détruits. Tous nos efforts sont absolument anéantis. »

L’Atelier s’installera successivement rue Jean Jaurès à Villeneuve-le-Roi, avenue Julien de la Gravière à Athis-Mons, rue de Draveil à nouveau à Juvisy, puis rue Jules Breton à Paris.

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