Travaux

Les personnes handicapées aujourd’hui en France

Avant d’entrer dans le vif du sujet, « Les personnes en situation d’handicap, aujourd’hui en France », je dois préciser les raisons pour lesquelles j’ai choisi de vous présenter cette planche, ce midi. Je suis directement concerné étant Handicapé depuis ma naissance, je peux donc témoigner que l’état, la société, ont dressé et continuent de dresser de multiples obstacles devant les personnes qui ont la malchance de se trouver dans une situation de handicap. Peut-être que les injustices subies dès mes premières années de scolarisation ne sont pas étrangères à mes choix politiques, philosophiques actuels. A mon sens, il n’y a rien d’extraordinaire que l’exclusion, les inégalités conduisent un individu sur le chemin de la révolte.

Définitions

Maintenant rentrons dans le vif du sujet. Quelle est ou plutôt quelles sont les définitions du terme « handicap » ? A l’origine ce mot vient d’Angleterre (hand in cap qui signifie : « la main dans le chapeau ») et concernait un jeu qui se pratiquait de l’autre côté de la manche au XVI siècle. Ce mot est encore employé de nos jours dans les courses hippiques et peut-être dans d’autres sports. C’est dans les années 1920 que l’Académie Française intègre ce substantif dans le dictionnaire en lui donnant le sens que nous lui connaissons aujourd’hui.

Une définition trouvée sur le net, comme il se doit :

« Limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société due à une altération des capacités sensorielles, physiques, mentales, cognitives ou psychiques » Les différents types de « handicap » sont nombreux et il est fastidieux de les lister tous. Néanmoins, quelques grandes catégories permettent de les classer comme suit :

  • Le handicap moteur
  • L’Autisme
  • Le handicap mental
  • Les troubles « dys »
  • Les troubles psychiques
  • Le handicap auditif
  • Le handicap visuel.

Bien sûr, il serait possible d’affiner chacune de ces catégories selon le degré de handicap.

Données chiffrées

Selon les données de l’INSEE qui datent de 2008-2009, 2 750 000 personnes âgées de 20 à 59 ans sont handicapées. Chiffre auquel il conviendrait d’ajouter les individus de moins de 20 ans et de plus de 59 ans. Pour cette Planche, j’ai fait le choix, peut-être un peu arbitraire, mais je pourrais m’en expliquer si vous me le demandez, de n’évoquer que les difficultés vécues par les enfants en âge scolaire ainsi que pour les adultes en âge d’exercer une activité professionnelle. J’éviterai, dans la mesure du possible, de vous abreuver de chiffres.

Scolarisation

Certes, depuis le début des années 80 la scolarisation en milieu ordinaire des enfants atteints d’un handicap progresse mais lentement. Souvenons-nous de la promesse d’un ancien président de la république qui avait déclaré en juin 2008 : « Donc je veux garantir un accès à l’école pour les enfants qui peuvent être scolarisés en milieu ordinaire. » En juin 2021, soit 13 années après, les A.E.S.H. (Accompagnant d’élèves en situation de handicap) se mobilisent. Ces prolétaires (souvent des femmes) de l’Education Nationale, ne sont pas en effectif suffisant pour s’occuper correctement des enfants en difficultés. Pour prendre un exemple, dans l’académie de Lyon, le manque de postes en pourcentage est estimé à 20%. Et il n’y a, malheureusement, aucune raison pour penser que cette situation ne concerne que cette seule académie. Il existe un nombre incalculable de témoignages de parents qui ont essuyé un refus lors de l’inscription de leur enfant dans un établissement scolaire, généralement en raison de l’absence d’un poste d’A.E.S.H. nécessaire à l’accompagnement de l’élève handicapé. C’est un problème que l’on peut retrouver à tous les échelons de la vie scolaire, en maternelle, dans le primaire, le secondaire, l’université. Il n’est pas question de prétendre que tous les enfants dans une telle situation doivent être accueillis dans des établissements scolaires ordinaires, certains ne sont pas en capacité de suivre une scolarité comme les autres enfants, en raison d’handicaps très lourds. Dans ce cas, ces enfants, dont le nombre est estimé à 20 000, restent à la maison et ce sont les parents qui s’en occupent, ce qui occasionne de nombreuses difficultés, tant au niveau psychologique que matériel pour les familles.

« On manque cruellement de places en établissements spécialisés, notamment dans les instituts médico-psycho-éducatifs (I.M.E.) » déclarait Sophie Cluzel le 7 novembre 2014, l’ancienne présidente de la F.N.A.S.E.P.H. (Fédération nationale au service des élèves présentant une situation de handicap).

Désormais, suite à l’élection de Macron en 2017, Mme Cluzel occupe un poste de secrétaire d’état aux personnes handicapées et en janvier 2021, ce sont 1413 enfants étaient encore exilés dans des établissements en Belgique, faute de structures suffisantes dans le pays des droits de l’homme, mais aussi de l’enfant.

Le sort réservé aux étudiants n’est guère plus brillant, il peut même parfois être dramatique. C’est notamment le cas pour cette jeune étudiante de l’Université Paris Descartes qui se bat depuis 2017 afin de poursuivre ses études de droit dans des conditions adaptées mais qui est victime de violences verbales, psychologiques et aussi physiques de la part du service médical et de la direction de cette université. Les autorités refusent de lui accorder les aides nécessaires pour pouvoir passer les examens sur place et exigent que cette jeune fille qui a le soutien de ses professeurs, passe les épreuves à l’hôpital. Malgré plusieurs jugements qui donnent raison à cette étudiante, l’université Paris-Descartes refuse d’appliquer les décisions de justice. Si vous souhaitez avoir une idée du calvaire vécu par cette étudiante, un dossier lui est consacré sur le site de « Mediapart ». C’est une situation particulièrement grave qui est, semble-t-il, exceptionnelle… peut-être ! Et, même si les choses se sont améliorées pour l’ensemble des étudiant(e)s handicapé(e)s, la marche est encore très lente.

Vie professionnelle

Le taux de chômage des personnes handicapées est deux fois plus élevé que pour les personnes valides. Les emplois occupés, sont fréquemment peu ou pas qualifiés, souvent à temps partiel et les rémunérations sont généralement inférieures à celles des personnes dites « valides ». Pour Fabienne Jégu (conseillère experte Handicap auprès de la Défenseure des droits) : « Le fait d’être en situation d’handicap multiplie par trois le risque de discrimination au travail ». En effet, 80% des saisines auprès de la défenseure des droits concernent des discriminations dont sont victimes les salariée(e)s handicapé(e)s. Les salarié(e)s handicapé(e) représentent 3,8% de l’ensemble des personnes qui ont un travail. 8,2% est le chiffre des personnes qui sont « bénéficiaires de l’obligation d’emploi » mais, qui « pointent » au chômage ! Pourtant, depuis 2005 toute entreprise publique ou privée, de plus de 20 salarié(e)s doit compter au moins 6% de travailleurs reconnus handicapés (R.Q.T.H.) dans son effectif. Si cette proportion n’est pas respectée, une amende doit être payée, selon certains observateurs le versement de cette pénalité est rarement appliqué. Si certain(e)s salarié(e)s handicapé(e)s travaillent en milieu « ordinaire », 150000 sont embauchés dans des E.S.A.T. (établissements ou services d’aide par le travail), auparavant appelés C.A.T. (centres d’aide par le travail). Pour l’écrasante majorité de ces personnes il n’y a aucune perspective d’évolution de carrière.

Droits des personnes handicapées

L’histoire du « handicap » n’est pas l’objet de cette planche. Je vais, néanmoins, vous donner quelques repères. Sous l’antiquité, l’individu atteint d’un handicap est, parfois, supprimé à la naissance. Au moyen-âge, les infirmes (le terme « handicapé » n’est pas encore utilisé) sont enfermés ou mendient en tentant d’attirer la compassion. C’est l’époque de « La cour des miracles » dont parle Victor Hugo dans son roman « Notre Dame de Paris ». C’est un lieu où évoluent des brigands, des faux infirmes mais aussi, par exemple, « Les Courtauds de Boutanche » dont certains sont réellement porteurs d’infirmités. C’est sous le règne de Louis XIV (1638 -1715) qu’est inauguré l’hôpital « La Salepêtrière » destiné à accueillir les malades, les mendiants et les infirmes. L’Hôpital des « Invalides » construit aussi sous le règne du « roi soleil » est réservé aux soldats. Les « hôtels dieu » datent également de cette période.

En 1880 notre F.’. Martin Nadaud, maçon Creusois opératif et spéculatif, également député, dépose un projet de loi qui porte sur les accidents de travail et leur indemnisation. Le 9 avril 1898, le texte est enfin promulgué. En 1916 est créée « L’office national des mutilés et réformés ». Au cours des décennies suivantes, le champ d’intervention de cet établissement public s’étendra aux « pupilles de la nation », aux « victimes de guerres » et depuis 1991 aux victimes du terrorisme.

En 1975, un pas important est franchi dans le domaine de la politique sociale en direction de l’ensemble des personnes handicapées. Création de « l’allocation d’éducation spéciale » qui concerne les enfants en situation d’handicap et qui est depuis 2006 « l’allocation de l’enfant handicapé ». Pour les adultes, c’est « l’allocation adulte handicapé » (A.A.H.) qui peut être versée à celui ou celle qui en fait la demande, ainsi que la P.C.H. (prestation compensation handicap). La P.C.H. n’est pas soumise à des conditions de ressources. Elle est versée sous forme d’aide matérielle, technique ou humaine. Evidemment, de nombreuses conditions sont à remplir pour en bénéficier. Il y a quelques mois, dans les instances parlementaires, ainsi que dans de nombreux médias, il a beaucoup été question de l’A.A.H. En juin le Sénat (majoritairement de droite) dépose une proposition de loi dont le but est de « déconjugaliser » le versement de cette allocation, c’est à dire la non prise en compte des revenus du conjoint (marié, pacsé, concubin…) ce qui permettrait une plus grande autonomie du bénéficiaire. Le progrès social, la justice, ne faisant pas partie de l’ADN de la « start up nation », le gouvernement, dont la secrétaire d’état aux personnes handicapées, Cluzel, en tête s’opposent à cette amélioration. Les députés de la majorité LREM, MODEM, rejettent donc le texte !

En 2005, un nouveau pas est franchi. Cette nouvelle loi stipule : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive, d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant » (art. L. 114). Par conséquent, plusieurs droits sont rappelés :

  • Création du droit à la compensation (PCH),
  • Le droit à l’école,
  • L’insertion professionnelle,
  • Le renforcement à l’accessibilité,
  • La création d’une MDPH (maison départementale des personnes handicapées).

Mais qu’en est-il 17 ans après le vote de cette loi qui avait suscité de l’espoir chez les personnes en situation d’handicap et chez leurs proches?

Le droit à la compensation

C’est un véritable parcours du combattant. Dans le meilleur des cas la MDPH apporte une réponse, pas forcément positive, 6 mois après le dépôt du dossier. Les délais sont plutôt de l’ordre d’une année, parfois deux.

Le droit à l’école

Aujourd’hui encore de nombreux établissements scolaires ne peuvent accueillir un enfant handicapé faute de moyens humains suffisants.

L’insertion professionnelle

Officiellement le taux de chômage des personnes handicapées, inscrites à « pôle emploi » est de 16%. A titre indicatif, ce taux est de 8% pour les personnes non-handicapées.

Le renforcement à l’accessibilité

Si l’on regarde la situation Parisienne, seulement 3% des stations de métro sont accessibles aux personnes en fauteuils roulants. En ce qui concerne l’accessibilité aux différents services publics, on peut considérer que les choses ne se sont pas améliorées, notamment avec la numérisation et la robotisation. La suppression des accueils est un vrai problème pour cette population et même au-delà. Dans le cadre de la loi « ELAN » il était prévu que 100% des logements neufs soient accessibles aux personnes handicapées. Après l’intervention de macron auprès des parlementaires, un amendement a été déposé, et l’obligation est passée de 100% à… 10%. Recul probablement effectué à la demande du lobby de l’immobilier qui sait avoir l’oreille attentive et compréhensive du président.

Les M.D.P.H.

Manque de personnel au niveau de l’accueil, d’assistantes sociales, délais de traitement qui dépassent l’imagination et parfois non-respect du droit. De nombreuses associations d’aide aux personnes en situation d’handicap existent. Certaines d’entre elles ont un rôle consultatif au sein des instances décisionnelles des M.D.P.H.

En 1975, l’O.N.U. votait une résolution relative aux droits des personnes handicapées, sans caractère obligatoire. 46 ans plus tard, l’O.N.U. épingle la France comme mauvaise élève en matière de politique menée en faveur des personnes handicapées. Certaines de ces critiques recoupent les problèmes que j’évoquai il y a quelques instants. Malheureusement, je n’ai eu accès qu’a quelques bribes en Français de ce rapport de 20 pages qui n’est disponible, pour le moment, qu’en Anglais.

Maçonnerie et handicap

Avant de conclure, je souhaiterais évoquer le rapport entretenu entre la Maçonnerie, le G.O. et ceux que l’on qualifiait, à une époque aujourd’hui révolue, d’infirmes.

Aux temps de la maçonnerie opérative, tout « infirme » est refusé, ou exclu du métier.
Les Maçons spéculatifs ne sont pas plus accueillants pour les « infortunés infirmes ».

Les constitutions d’Anderson, dont la première rédaction remonte à 1723, stipulent :

« Seuls les candidats peuvent savoir qu’aucun Vénérable ne saurait prendre un Apprenti s’il n’a pour lui un emploi suffisant, et à condition qu’il soit un jeune homme accompli : Il ne doit avoir aucune Mutilation ou Défaut en son corps qui puissent le rendre incapable d’apprendre l’Art ou de servir le Seigneur de son Vénérable, puis, le moment venu comme Compagnon… etc ».

Sous le premier empire, ce rejet dont sont victimes les profanes masculins (à cette époque il est encore hors de question d’admettre des femmes !), semble s’atténuer. La France sous la férule de Napoléon Bonaparte, guerroie dans toute l’Europe et au-delà. De nombreux militaires de haut rang sont mutilés. Auréolés de leurs combats « glorieux », ils sont admis et initiés sans difficultés.

Presque trois siècles après la naissance de notre Ordre, les choses, fort heureusement ont évolué.
Aujourd’hui de nombreux travaux sont réalisés sur le thème du « handicap », que ce soit dans le cadre de la commission « bioéthique » ou dans les Loges. Je suppose qu’il en est de même au sein des autres obédiences libérales. Cela n’a rien d’extraordinaire de vouloir faire rayonner nos valeurs humanistes. De « travailler à l’amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l’humanité ». Il n’est pas acceptable qu’une partie importante de l’Humanité soit abandonnée sur bord de la route.

Conclusion

Certes, la situation des personnes handicapées en France est moins dramatique que dans de nombreuses autres régions du monde, mais devons-nous nous en satisfaire pour autant ? La France n’est pas dans le peloton de tête des pays qui font le mieux. Beaucoup de progrès sont encore à réaliser. Ceux qui dominent en ont-ils la volonté, dans la mesure où ils jugent que des avancées dans ce domaine sont contraires à leurs intérêts ainsi qu’à ceux qui leur dictent la feuille de route dans le domaine social et économique.

Les personnes en situation d’handicap ne peuvent plus accepter, notamment, les actions charitables des associations caritatives. Ce qu’elles exigent : c’est l’égalité des droits avec les personnes dites valides. Ne plus être considérées en premier lieu comme « handicapées » mais comme citoyennes à part entière. C’est un combat dans lequel la Maçonnerie et le G.O.D.F. en particulier a un rôle à jouer.

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